Odilon Redon (1840-1916) est sans doute l’un des artistes qui a marqué
le plus l’art symboliste et il a été en ce sens l’une des figures
essentielles de l’art du XIXème siècle et du début du XXème. Il a largement
influencé les jeunes peintres Nabis et Fauves, et Paul Gauguin en
particulier par ses emplois de la couleur vers la fin de sa vie. Dans la
première partie de son oeuvre, ces sont surtout les oeuvres en noirs qui
l'intéressaient, dont il disait : " Il faut respecter le noir. Rien ne
le prostitue. Il ne plaît pas aux yeux et n'éveille aucune sensualité. Il
est agent de l'esprit bien plus que la belle couleur de la palette ou du
prisme. "
Odilon Redon est probablement l’un des peintres
français le moins connu, compte tenu du caractère " ésotérique "
de son oeuvre, malgré l’importance qui a été la sienne dans le
mouvement pictural et dans l’histoire de l’art dela fin du XIXème.
Il est né le 22 avril 1840 à Bordeaux et il est
décédé le 6 juillet 1916 à Paris. Peintre symboliste et coloriste, dans son
son art il s’est ingénié à explorer les méandres de la pensée, à
représenter l'aspect sombre et rêveur de l'âme humaine, à illustrer les
mécanismes de l’irrationnel et de l’ésotérisme.
Originaire d’une
famille bourgeoise du bordelais, en 1863 il rencontre le graveur Rodolphe
Bresdin, qui l’initie à la gravure et à la lithographie, et l’oriente vers
un art libre. C’est pour lui une rencontre qui sera décisive pour la suite
de son parcours d’artiste, car Rodolphe Bresdin est un homme profondément
romantique dont l’oeuvre veut exprimer une vision subjective et onirique de
la vie. Il donnera ainsi à Odilon Redon ce goût qui se développera tout
au long de sa carrière, celui de la subjectivité, de l’expression
personnelle et intense des sentiments et des émotions, qui feront de lui un
artiste indépendant, hors de l'influence des écoles, mais qui sera aussi
très mal compris de ses contemporains.
C’est la guerre de 1870,
qui fait sombrer Odilon Redon dans une vision angoissée du monde. Inspiré
par l’oeuvre de Goya, il entre dans sa " période des noirs", avec des
compositions sombres, des séries de fusains et de lithographies, exécutées
jusqu’en 1895 où s’exprime ses peurs, ses angoisses, ses interrogations sur
la vie et les hommes. Dans des oeuvres telles que "Le Rêve "en 1879,
"Origines" en 1883, et dans des séries telles que "La Tentation de Saint
Antoine" de 1888 à 1896, et "L’Apocalypse de Saint Jean" en 1899, non
seulement on entrevoit l’influence de Goya, mais aussi transparait une
vision spiritualiste avec ses interrogations sur la mort, sur les origines,
sur l’infini, mais également sur l’infiniment petit, impressionné qu’il est
par les recherches microscopiques du botaniste Armand Clavaud.
Son goût
pour la musique et notamment pour Schumann, exercera également une influence
profonde sur lui, - ce, déjà depuis son adolescence-, ainsi que les chants
sacrés qui lui révéleront, dira-t’il : " un infini sans mélange,
découvert comme un absolu réel, le contact même avec l'au-delà".
C’est ainsi qu’Odilon Redon s’ouvrira à une profonde réflexion spirituelle
portant sur les limites du conscient, les confins de la pensée, et qu’il
explorera dans une recherche obsédante des thèmes tels que l’origine de la
vie, le vertige de l’infini, le mystère de la fin en toute chose, l’utilité
de l’existence. Le rôle de son oeuvre tel qu’il l’écrit alors lui-même
est de "mettre la logique du visible au service de l’invisible ".
Mais cette conception visionnaire engendrent un rejet de la part de ses
contemporains à l’exception de Huysmans ou de Stéphane Mallarmé, et le
scandale chez les critiques, car il demeure totalement en dehors des
tendances et des mouvements de son époque.
Dans les années 1890, ses
oeuvres en noirs s’orientent vers des horizons plus intérieurs.
L’utilisation de nouvelles techniques dans les arts graphiques, telles que
le pastel et la peinture, permettent de nouvelles variations picturales qui
facilitent les travaux de paysages, de fleurs et de natures mortes, ainsi
que le portraits.
Les années qui suivront permettront à Odilon Redon
de travailler ainsi en versions colorées certains des mêmes thèmes que ceux
développés avec ses oeuvres en noirs, par exemple, "Les Yeux clos" en 1890.
Ce, jusqu’à ce que les couleurs prennent définitivement le dessus à partir
de 1900, dans des oeuvres où les variations colorées éclatent dans des
thèmes mythologiques , comme " Le Char d’Apollon" en 1905, ou religieux
comme "Le Bouddha" en 1906.
L’oeuvre synthétique et spiritualiste
d’Odilon Redon aura ensuite une large influence sur l’art de Paul Gauguin et
des Nabis. "L'artiste, disait-il, vient à la vie pour un
accomplissement qui est mystérieux. Il est un accident. Rien ne l'attend
dans le monde social."
(LMDA) |