Hans Hartung ( 1904 -1989 )
peut être considéré comme le chef de file de "l'Abstraction Lyrique". Son
oeuvre s'organise au travers les approches d'une même problématique : la couleur,
l'expression, l'équilibre, et permet de voir et de comprendre ses différentes phases
créatrices, et les formes récurrentes qui apparaissent dans son parcours. Soit au
travers de sa peinture, soit au travers ses dessins, ses gravures, ses lithographies, mais
aussi dans ses aquarelles, proches du romantisme et de l'expressionnisme abstrait
allemand, ou dans ses oeuvres spontanées, on perçoit chez Hans Hartung un désir
permanent de recherche, de renouvellement et d'invention.
Au début des années 20, Hans Hartung vit à Dresde en Allemagne. C'est l'époque du
mouvement expressionniste Die Brücke avec Ernest Ludwig Kirchner, et Erich Heckel entre
autres. Il étudie dans son école d'art auprès d'Oskar Kokoschka, tout en découvrant
l'oeuvre de Rembrandt, de Goya et de Gréco, qu'il s'emploie à reproduire et à
réinterpréter . Il s'adonne alors à la peinture, ses oeuvres sont encore figuratives,
il s'inspire de Caspar David Friedrich ou encore de Turner.
Mais il découvre aussi l'aquarelle en 1922, avec l'utilisation des couleurs
à l'aniline, un procédé chimique qui donne des couleurs beaucoup plus
intenses que toutes les autres utilisées jusqu'alors : " Elles m'avaient inspiré une série d'aquarelles
abstraites. La tache y devenait libre, elle s'exprimait par elle-même, par sa forme, par
son intensité, par son rythme, par sa violence, par son volume..." ( Hans Hartung
" Autoportrait " Editions Grasset Paris-1976 ).
L'oeuvre abstraite
d'Hartung découle rapidement de la fascination qu'il a pour ces couleurs posées les unes
à côté des autres, selon des rythmes, des densités, des gestes, des surperpositions
qui permettent aux formes de se mêler, de se dissoudrent, de disparaître sur le papier.
Les couleurs, les taches, les formes jouent entre elles . " J'aimais mes taches.
J'aimais qu'elles suffisent à créer un visage, un corps, un paysage. Ces taches qui
devaient peu de temps après demander leur autonomie et leur liberté entières. Les
premiers temps, je m'en servais pour cerner le sujet qui, lui, peu à peu, devenait
négatif, blanc, vide en fin simple prétexte au jeu de taches " ( Ibid).
C'est aussi en Allemagne, l'époque où l'art abstrait voit le jour avec Wassili
Kandinsky, et où l'expressionnisme met en relief la fonction des couleurs. La conjonction
de ces différentes sources influencent Hartung et ses recherches qu'il fait lui même sur
les taches.
Mais poursuivi en Allemagne par la Gestapo, il doit se réfugier clandestinement en
1935 à Paris. Sans moyen de subsistance, il s'installe à la terrasse des cafés pour
dessiner sur des papiers avec de l'encre qu'il demande aux serveurs, des tourbillons
d'encre noire tracés les yeux fermés.
Ces aquarelles et ces dessins ont une grande importance pour lui, car elles marqueront
après 1947 sa peinture à l'huile puis à l'acrylique, qu'il présentera plusieurs
années de suite à la Galerie Lydia à Paris, puis en 1956 à la Galerie de France,
jusqu'à la grande exposition de Turin en 1966, en France au Musée National d'Art Moderne
en 1969 ou au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris en 1980, et aux Etats-Unis en 1975
au Metropolitan Museum of Art de New York.
Pour sa peinture, on sait qu'il jetait ses idées sur des morceaux de papier dessinés ou
peints, sur des feuilles qu'il griffonait au crayon, ou qu'il couvrait de taches
d'encre noire ou d'aquarelle. Le dessin a toujours eu une place particulière dans son
oeuvre, avant qu'il ne s'exprime plus tard, selon les conseils que lui avait donné son
ami peintre Jean Hélion, dans la spontanéité gestuelle de la couleur, à partir des
annés 60.
En 1973, quittant Paris, lorsqu'il s'installe à Antibes, il s'applique à la lithographie
à l'atelier Crommelynck et à la gravure à St Gall. Mais c'est une année où il
réalise de nombreuses oeuvres, près d'une centaine, semble t'il attaché à la
recherche formelle qui différencie une technique d'une autre. Il peint sur toile, sur
carton, sur papier, il utilise les instruments les plus divers, pinceaux usés, pinceaux
prolongés, pinceaux multiples, rouleaux, brosses larges, tampons, pulvérisateurs,
pistolets, etc, qui résultent de ses travaux sur la lithographie. Chez lui, la
composition devient peu à peu plus une pulsion qu'une action.
" Griffonner, gratter, agir sur la toile, peindre enfin, me semblent des activités
humaines aussi immédiates, spontanées et simples que peuvent l'être le chant, la danse
ou le jeu d'un animal, qui court, piaffe ou s'ébroue ." disait-il. Une fois
accompli le travail pictural d'un tableau qu'il considérait achevé, il le délaissait. "Je
n'ai aucune envie d'accrocher des tableaux aux murs... Même dans mon atelier, les
tableaux et les dessins sont tous face tournée vers le mur ".
"Je pense , disait-il encore, que pour la compréhension de ma
peinture, il y a plusieurs éléments qui jouent des rôles primodiaux. C'est d'abord le
temps, le temps d'éxécution, le temps senti par le spectateur. Le temps d'éxécution
d'un trait, les ralentissements, les accélérations; le temps lent, spécialement pour
les grandes taches, le temps " intempestif d'action ... Tout ce que je viens
d'essayer de dire c'est combien je crois ma peinture proche de la réalité, pétrie
d'elle, réagissant à des ébranlements venus de l'extérieur et de l'intérieur qui
déterminent et provoquent mes actes artistiques. "
(LMDA)
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