Le peintre d'origine
suisse Gérard Schneider ( 1896 -1986 ) est sans doute l'un des plus grands
maîtres de l' "Abstraction Lyrique ", et de ce mouvement qui marque le triomphe
de l'art abstrait dès la fin de la seconde guerre mondiale.
On peut citer de nombreux autres peintres, qui à ses cotés, au travers le monde, ont
écrit l'histoire de l'art du XXème siècle, comme les français Bazaine, Debré,
Estève, Fautrier, Manessier, Mathieu, Soulages, les russes Poliakoff, de Staël,
l'allemand Hartung, l'américain Jenkins, la portugaise Vieira da Silva, le chinois Zao
Wou Ki, le canadien Riopelle, le Hollandais Bram Van Velde, parmi d'autres ... Mais dans
ce mouvement de l'art abstrait, si créatif et si diversifié, il est l'un de ceux avec
Hans Hartung, et Pierre Soulages, qui se distingue, par une pratique picturale qui laisse
toute la place à la spontanéité du geste.
C'est à l' âge de quatorze ans ans, à Neuchâtel, qu'il découvre la peinture,
en se passionnant pour Raphaël et Léonard de Vinci, au travers les livres, qui lui sont
prêtés par son professeur Alfred Blailé. Mais très rapidement, à partir de 1919, il
trouve également dans les oeuvres de Delacroix, Courbet ou Cézanne, matière à sa
propre inspiration, lorsqu'il est reçu à l'Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris, en
suivant les cours du peintre Cormont, qui fut le professeur de Van Gogh et de Toulouse
Lautrec.
Jusqu'à la veille de la guerre 1939-1945, il travaille en perfectionnant sa
connaissance de la peinture, il restaure des tableaux anciens, il compose ses premières
oeuvres abstraites, dont " Figures dans un jardin " en 1936, et s'adonne
aussi à la musique, une autre passion.
Mais c'est l'année 1944 -1945, qui constitue un tournant dans l'oeuvre de
Schneider. Dans un
désir permanent de recherche, de renouvellement et d'invention, et en se présentant
comme un peintre totalement abstrait et subjectif, il s'oppose aux idées d'artistes
tels que Bazaine, Manessier ou Lapicque, qui affirment puiser leur inspiration dans la
nature.
En 1947, Gérard Schneider expose pour la première
fois avec Hans Hartung et Pierre Soulages au Salon des Surindépendants, en
présentant avec eux des oeuvres très sombres, puis expose treize tableaux la même
année à la Galerie Lydia Conti, qui lui valent la faveur des critiques.
L'année suivante, il est invité à la Biennale de
Venise, où il est considéré comme l'un des artistes les plus significatifs de l'avant
garde. Il expose une seconde fois à la Galerie Conti, et prend la nationalité
française, pour décider finalement de rester à Paris.
Après avoir expérimenté de multiples techniques, il en arrive à une expression
gestuelle de sa technique, où formes et couleurs éclatent avec force, émotion, passion,
dans un romantisme moderne, où l'instantanéité et la véhémence dominent, traversées
par des éclairs de joie ou de lumière.
" Il faut voir, dit-il, la peinture abstraite
comme on écoute la musique, sentir l'intériorité émotionnelle de l'oeuvre sans lui
chercher une identification avec une représentation figurative quelconque. Ce qui est
important, ce n'est donc pas de voir l'abstrait, c'est de le sentir. Si une musique me
touche, m'émeut, alors j'ai compris quelquechose, j'ai reçu quelquechose "
" Dans ce que je considère comme une évolution naturelle j'ai surtout apprécié la
théorie surréaliste de la libération du subconscient. L'abstrait c'est la libération
de tout conditionnement extérieur, c'est l'aboutissement d'un processus de création
individuelle, de développement personnel dont les formes n'appartiennent qu'à moi-même.
J'assimilerai cette démarche à l'improvisation musicale: quand je fais du piano pendant
plusieurs heures, il m'arrive d'improviser en fonction d'un état psychologique précis;
en peinture quand je prends une brosse ou un pinceau, une mécanique de création se
déclenche et ma main vient porter un signe, préciser une forme, qui dépend de mon état
intérieur; c'est une improvisation, une création spontanée."
Il se joint de 1949 à 1952 à ses amis Hartung et Soulages, pour participer à de
multiples expositions, par lesquelles les critiques, dont en premier lieu l'écrivain
Michel Ragon, les dénommeront les maîtres de " l'abstraction lyrique ".
Les années 1951à 1961, verront l 'affirmation de l'oeuvre en France et la
consécration de Gérard Schneider à l'étranger, en Allemagne, en Belgique, en Italie,
d'abord, au travers multiples expositions, dont celles de Tokyo et d'Osaka au Japon en
1960, où il est reconnu comme l'un des artistes contemporains parmi les plus
considérables, puis aux Etats-Unis, où de nombreuses galeries, comme en particulier la
Galerie Kootz, organisera durant cette période pas moins de cinq expositions
consécutives.
Les années 1962 à 1972 sont les années " lumière " de Schneider. Ses
talents de coloristes prennent de l'amplitude, les aplats de couleurs monochromes gagnent
de l'espace dans la toile, elles deviennent forme et les formes deviennent couleurs.
En 1975, l'artiste reçoit le Grand Prix National des Arts, en France, attribué
par le Ministère de la Culture, qui est une reconnaissance tardive, mais officielle par
son pays d'adoption, de l'importance de son oeuvre.
Sa ville de naissance, Neuchâtel, en Suisse, lui consacre en 1983 une
importante rétrospective, ainsi que la ville de Dunkerque, tandis qu'il poursuit son
oeuvre avec des grandes compositions de peintures acryliques sur toile ou de gouache sur
papier, toutes empreintes de lumière et de flamboyance, qui resteront parmi les plus
belles. Il meurt le 8 juillet 1986.
(LMDA)
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