Achille-Emile Othon Friez est né au Havre le 06 février
1879. Fils de capitaine, son rêve de jeunesse était de devenir un grand navigateur. Mais
il s'intéresse aussi à l'art. Il suit les cours de Charles Lhuillier à L'Ecole
Municipale des Beaux Arts du Havre au côté de Georges Braque et de Raoul Dufy. Il
parvient à obtenir une bourse en 1897 qui l'amène à suivre les cours de Léon Bonnat à
l'Ecole des Beaux Arts de Paris.
Mais l'académisme des beaux arts ne lui convient pas, et il préfère découvrir et
étudier l'oeuvre des maîtres dans les salles du Musée du Louvre.
C'est l'impressionisme qui l'intéresse, mais aussi les oeuvres de Vincent Van Gogh et de
Paul Gauguin. Le Salon d'Automne de 1905, lui permet de présenter quelques toiles auprès
de Matisse et de Marquet, et de se faire connaître avec ses aplats de couleurs vives et
juxtaposées qui font dire aux critiques que ces peintres donnent l'illusion d'être dans
une cage aux fauves. C'est en effet le début du fauvisme, dont Othon Friesz sera l'un des
plus brillants représentants.
Il était au premier plan alors parmi les jeunes peintres qui se révoltaient contre les
maîtres académiques, mais en marquant son attachement à l'impressionnisme. Durant
l'été 1906, avec son ami Georges Braque, il fait un séjour à Anvers, en travaillant
sur des sujets communs. Ils poursuivent cette expérience l'année suivante en se rendant
dans le midi de la France à l'Estaque et à la Ciotat, pour travailler ensemble sur la
transposition de la lumière, comme l'avaient fait avant eux Matisse et Derain à
Collioure en 1905.
Les couleurs de la côte méditerranéenne l'inspirent, et le conduisent à produire une
série de paysages qui sont sans doute les plus représentatifs du fauvisme. En mettant en
relief le dessin, en stylisant les formes, en supprimant les détails descriptifs,
certains des tableaux qu'il peint alors sont à la limite de l'abstraction. Aucun autre
artiste fauve, sauf peut-être Matisse n'ira aussi loin dans l'exaltation des couleurs.
De retour à Paris, alors que Braque travaille avec Picasso aux premiers fondements
du cubisme, Othon Friesz poursuit de son côté ses paysages, ses natures mortes, ses
marines dans un naturalisme où l'influence de Cézanne domine tout en conservant
lénergie de la ligne, le goût affirmé pour les couleurs et les contrastes forts,
mais avec une force chromatique qui s'estompe au fil des mois pour devenir plus austère
à l'approche de la première guerre mondiale.
Alors que ses expositions chez son marchand d'art Druet et sa participation régulière au
Salon des Indépendants et au Salon dautomne à Paris, lui avaient valu une certaine
notoriété avec des expositions à Moscou, à Londres à Berlin, ou à New York
encore avec lexposition Manet et les Post-impressionnistes, sa palette
sassombrit avec une dominante d' ocres, de bruns, de verts et de bleus plus froids,
des lignes plus rigides, des formes moins attrayantes et des compositions plus
traditionnelles : nus, paysages, natures mortes et portraits.
La guerre marque en effet la période
d'une production surtout orientée par la vente, davantage que par la recherche picturale
qui avait été la sienne quelques années avant auprès de Braque. On peut y voir non
seulement l'effet des hostilités, mais aussi la conséquence dun mode de vie plus
aisé grâce à une réputation grandissante.
Il souhaite alors exercer le contrôle sur la vente de ses tableaux, et à ce titre romp
le contrat dexclusivité qui le liait au marchand d'art Druet. Il
sinstalle avec sa jeune épouse et son enfant dans l'ancien atelier de Bouguereau et
il décide d'enseigner le dessin. Il se rapproche dEmile Bernard et de Maurice
Denis, et devient avec eux les défenseurs de Cézanne contre l'avancée de
lavant-garde cubiste.
En 1937, il réalise la décoration du Palais de Chaillot avec son ami Raoul Dufy, et
tombe peu à peu dans l'oubli par la prédominance de la peinture abstraite. Il
participera sous l'occupation à une rencontre d'artistes organisée par les Allemands, ce
qui lui vaudra des explications à la fin de la guerre. Il mourra à Paris le 10 janvier
1949.
Emile Othon Friesz aura tout au long de son oeuvre tenté le pari de concilier, à la fois
les principes fondamentaux que Matisse s'appliquait à mettre en euvre pour
chaque tableau "équilibre, pureté, sérénité " et,
d'autre part, ceux que défendaient Maurice de Vlaminck " vivre, agir et
penser sans entraves ".
(LMDA)
|