Toute
l'uvre de Nicolas de Stael
( 1914 - 1955 ) s'est developpee en un temps tres court
d'une douzaine d'annees a partir de 1940, et c'est plus de mille toiles qu'il a peint
pendant cette periode, dans une violence de creation et une passion rares
caracterisees par l'antinomie constante entre l'expression figurative et l'abstraction.
La forte personnalite du peintre alliee a l' intelligence aigue de son art et
a la
perception particuliere qu'il a de la lumiere et de l'espace l'ont amene
a
realiser une uvre cle de l'histoire de l'art contemporain. Ses uvres sont
l'expression d'une passion permanente, et d'une simple relation du peintre avec ce qu'il
voit. L'espace et la couleur sont les dominantes constantes de son art.
L'uvre de Nicolas de Stael appartient a un registre eleve dans lequel s'exprime
le passionnel et le lyrisme comme si le destin lui avait impose tout au long de sa vie
une trajectoire pour faire naitre un nouveau rapport esthetique avec le reel.
Nicolas de Stael, au travers sa peinture, recherchait l'absolu. "Toute ma vie, disait-il, j'ai eu besoin de penser
peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m'aider
a vivre, pour me liberer de mes impressions, de toutes les sensations, de
toutes les angoisses auxquelles je n'ai trouve d'autre issue que la
peinture."
Nicolas de
Stael ne a Saint-Petersbourg en 1914, n'a conserve tout au long de sa vie, de son
ascendance slave, que le romantisme et le desespoir. Son pere, proche du Tsar
Nicolas II de Russie, est
alors vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul. La revolution russe de 1917 contraint sa
famille a s'exiler en Pologne, ou meurent ses parents. Orphelin, il est recueilli par un
couple russe de Bruxelles.
A 16 ans, inscrit
a l'Academie Royale des Beaux-Arts il est fascine par
la decouverte des oeuvers de Rembrandt et de Vermeer. Arrivant en France en 1919, il
decouvre Matisse, Braque, Soutine, Cezanne, et voyage en Espagne, en Italie, en Algerie
et au Maroc.
En 1939, il
s'engage dans la Legion Etrangere et arrive au debut des annes 1940 a Nice avec sa
compagne, Jeanine, rencontree au Maroc. Il rencontre Jean Arp, Sonia et Robert
Delaunay, Alberto Magnelli, et sous leur influence, peint ses premieres toiles
abstraites qu'il baptise "Compositions".
En 1943, il
revient a Paris, et
fait la connaissance de Cesar Domela, un autre peintre de l'abstraction. C'est une
periode difficile. Il souffre de la faim et du froid et doit bruler les boiseries de son
appartement pour se chauffer. Jeanine sa compagne meurt de cette misere
en 1946, mais il continue
de peindre, quelques oeuvres figuratives, mais aussi des oeuvres abstraites au besoin
en peignant sur
les draps de son lit, ou apparaissent les influences sur lui de Magnelli et
de Domela, et de son ami Georges Braque. La
Galerie Jeanne Bucher accepte en 1944 de l'exposer, en pleine occupation allemande, alors
que les nazis qualifient l'abstraction d' "art degenere", entre
des oeuvres de Kandinsky et de Magnelli.
Il continue neanmoins a travailler
avec acharnement assailli en permanence par le doute, tiraille entre l'illumination et le
desespoir. Il se tourne de plus en plus vers l'abstraction, et ses oeuvres constituees
d'un enchevetrement de lignes et d'arabesques, devlent une palette petrie
d'angoisse.
A
partir de 1947, sa palette devient plus
claire, et il
passe un tournant entre 1950 et 1952, en s'orientant
vers la composition de paysages, de
natures mortes selon une approche de la realite resolument nouvelle, sans doute sous
l'influence de Braque, de Lapicque ou de Lanskoy. Il simplifie ses
compositions et la peinture s'epaissit en matiere
avec de larges aplats au couteau ou la spatule. De ses tableaux plus
grands emergent alors la
couleur, la lumiere, la vie, l'espace.
Il
decide alors de retrouver la lumiere du Midi. Il s'installe a Menerbes dans
une maison fortifiee en 1953 , puis a Antibes, l'automne 1954, dans un
atelier largement ouvert sur la mer. En six mois, il realise la, solitaire,
plus de 300 toiles, aux themes varies. Des natures mortes, des paysages, des nus, des scenes sur le port, un bateau, un vol de mouettes, une carafe
sur une etagere...
Sa peinture, qu'il applique alors au coton,
apparait de plus en plus transparente et fluide. "Je n'ai plus la force
de parachever mes tableaux", ecrit-il alors. C'est au pied du
Fort Vauban au Cap d'Antibes que s'arretera, le 16 mars 1955, son parcours. Une
immense toile qu'il n'a pas achevee, " Le Grand concert" reste orpheline ce
jour l.
(LMDA) |