Edward Hopper (1882-1967) est le peintre d'une
Amrique profonde qui s'interroge sur les mutations du monde moderne et sur les angoisses
profondes des hommes de son poque. Il nous reprsente les images de la solitude et de
l'absence, du silence et l'attente, comme autant d'nigmes de l'existence et du dsir,
du temps et de la mort. Ses oeuvres sont probablement parmi les reprsentations les plus
fortes de l'angoisse humaine dans l'art contemporain.
Edward Hopper est un peintre raliste, mais nigmatique dans la simplicit de son
inspiration. Son oeuvre figurative rassemble avec vidence une force et une profondeur
intrieure qui projette au del de l' immdiate objectivit, et conduit le
spectateur s'interroger sur la ralit, sa ralit, la ralit du monde, et
l'illusion de la ralit.
N et form New York, Edward Hopper n'a jamais appartenu aucun mouvement, ni
aucune cole. Inscrit la New York Scholl of Art en 1900, il suit les cours de Robert
Henri et s'intresse l'oeuvre de Manet, mais aussi celle des peintres tels
que Daumier, Courbet, Degas, Gauguin ou encore Van Gogh.
Il est galement trs marqu par l' impressionnisme franais, auquel il fait
rfrence comme Pissarro, Renoir, mais aussi Sisley, qui resteront longtemps comme les
repres d'une sorte d'inspiration souterraine permanente dans son oeuvre.
Son intrt pour la culture franaise l'amnera d'ailleurs faire plusieurs sjours
Paris entre 1906 et 1910. Ds 1906, d'ailleurs il est fascin par la physionomie et
l'ambiance de la ville : " Les rues y sont trs anciennes, encaisses, et
les faades qui s'inclinent en arrire partir de la base du premier tage confrent
une physionomie massive et trs imposante aux maisons. Les dbits de boisson et les
boutiques de rez-de-chausse sont de couleur rouge ou vert sombre, ce qui tranche
violemment sur le reste de la faade. Sur les toits se dressent des centaines de chemines avec leur mitre qui donnent un aspect
particulier l'horizon. les toits sont tous la Mansard, couverts d'ardoise grise ou
de zinc.. par temps couvert, ce mme gris-bleu en toute chose ..." ( lettre sa
soeur du 29 novembre 2006).
Cela l'amnera peindre en 1907 des oeuvres
telles que " Le Louvre et la Seine", " Boulevard St Michel", "
Pont du Carroussel dans le brouillard ", " Notre Dame " et
de nombreux autres tableaux sur Paris, probablement aussi sous l'influence d'Albert
Marquet, dont il dcouvre la peinture dans une exposition la Galerie
Druet.
Il est intress par le mode de vie des parisiens qu'il reprsente dans
de nombreux dessins, mais aussi par les femmes franaises qu'il considre comme de
redoutables sductrices, et auxquelles il ne manquera pas de penser dans des oeuvres de
maturit, telles " Summertime " en 1923, ou " Night Windows "
en 1928 .
De retour aux Etats-Unis, en 1908 il est contraint de gagner sa vie comme illustrateur,
mais parvient participer une exposition o il prsente trois toiles et un dessin
raliss en France, mais sans succs. Il revient brivement en France, dont il
apprcie tant la langue et la culture puis visite l'Espagne avant de revenir New York
en mai 1910.
L, il continue peindre ses souvenirs de Paris et prsente dans des expositions des
oeuvres inspires par la France mles aux tableaux qu'il peint de New York ou de la
campagne amricaine, avant d'pouser en juillet 1924, Josphine Verstille Nivison,
" Jo ", qui partage son amour pour la culture franaise.
La fin de l'anne 1924 marque une rupture dans l'oeuvre d'Hopper, dans le sens o il
dcide de rompre avec cette nostalgie de la France et de peindre en observation directe
la vie amricaine. Il dit " Aujourd'hui ou dans un proche avenir, il faudra bien
retirer l'art amricain sa mre franaise ".
A partir de
l, c'est une peinture strictement de sujets amricains qu'il s'attle. Les oeuvres
peintes en extrieur deviennent rares, et les scnes d'actions en suspens de la vie
amricaine se multiplient. Depuis son appartement de Greenwich Village qu'il habitera
toute sa vie, il saisit les toits new-yorkais avec leurs citernes, comme dans
"Roofs" en 1926, les faades de briques rouges dans"Early Sunday
Morning", en 1930, les intrieurs de chambres d'htel dnudes dans
"Night Windows" en 1928 ou encore les stations d'essence dsertes, comme
dans "Gas" en 1940.
Il devient le peintre de la vie et de la ralit au quotidien, avec des compositions o
des personnages nigmatiques et solitaires, prennent place de plus en plus souvent, telle
cette ouvreuse de cinma plonge dans ses penses dans "New York Movie" en
1939.
Il s'intresse aussi dans son atelier l'architecture des maisons, de la ville, puis
aux rendus de la lumire dans les intrieurs clos et aux caractres des personnages
qu'il reprsente souvent seuls comme enferms dans le silence et la solitude.
Une oeuvre telle que " Morning Sun " en 1952 constitue un des exemples les plus
marquants de l'volution de la peinture d'Hopper.
Cette femme de "Morning Sun", est une femme qui a vieilli, assise sur son lit,
face sa fentre ouverte sur les toits de la ville et au soleil levant. Edward Hopper y
reprsente la fois la profonde solitude, l'attente, le regard port sur le pass, et
une certaine obssession charnelle de la mort.
Ces thmes sont plus rcurrents dans ces annes d'aprs guerre : les regards, les
gestes suspendus, les silences, les rveries dans des univers dpouills gagnent son
oeuvre, comme une ralit obsdante de l'existence, jusqu' la disparition mme du
sujet comme dans "Rooms by the sea " peinte en 1951, o il ne reste plus qu'une
porte ouverte directement sur la profondeur de la mer.
Edward Hopper a souvent inspir les cinastes, notamment Alfred Hitchcock, qui choisira
dans "Psychose" une maison sur le modle d'une demeure victorienne peinte par
Hopper.
Connu pour ses profonds silences lorsqu'on un journaliste l'interrogeait, Edward
Hopper avait souvent coutume de rpondre: "Si vous pouviez le dire avec des
mots, il n'y aurait aucune raison de le peindre".
(LMDA)
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