A Bruxelles au lendemain de la guerre, des artistes parmi lesquels les
Danois Asger Jorn, Carl-Henning Pedersen, Henry Heerup, Egille Jacobsen, les
Belges Christian Dotremont, Joseph Noiret, les Hollandais, Karel Appel,
Constant, et Corneille, se réunissent dans le souhait de réaliser leur idéal d'une
meilleures société, en pensant que l'expression créatrice pouvait devenir un langage
universel. Ils rejettent la culture rationaliste européenne dont la guerre vient de
démontrer la décomposition.
Ils recherchent dans les formes artistiques les moins contaminées par les normes et les
conventions, les signes des expressions primitives : c'est l'art préhistorique, l'art
populaire médiéval, l'art naïf, les créations des enfants ou des handicapés mentaux,
l'écriture, la calligraphie, qui pour eux sont au plus près de la nature de l'individu,
de son psychisme et d'un subconscient au plus proche de son authenticité profonde.
Aussi entreprennent-ils de rechercher toutes les formes irrationnelles qui peuvent
s'exprimer dans l'art sous toutes ses formes, et dans toutes ses matières : le dessin, la
peinture, la sculpture, le bois, le métal, la terre, les mots, les sons, l'écriture.
Le
Mouvement CoBrA, acteur essentiel dans l'histoire de l'art moderne n'aura duré que
trois ans, de 1948 à 1951. Les six artistes cofondateurs et initiateurs
signataires du Manifeste et texte fondateur de CoBrA
intitulé " La Cause était entendue", furent Christian Dotremont, Joseph
Noiret ( Belgique), Asger Jorn ( Danemark ),
Karel Appel, Constant Nieuwenhuys, dit Constant et Guillaume Corneille van
Berverloo, dit Corneille, (Pays Bas ).
Ils créent ainsi en novembre 1948 à Paris, au Café de l'Hôtel Notre-Dame, sur le Quai Saint
Michel, le "Mouvement CoBrA" , à partir du nom des villes d'où ils viennent : Copenhague,
Bruxelles, Amsterdam.
Ils vivent pour la plupart alors dans la "grande capitale
culturelle", qu'est encore
Paris à ce moment là, mais aucun d'entre eux n'est Français. D'autres
artistes - belges, danois, néerlandais, suédois, tchèques, allemands et français
- se joindront plus tard à eux, comme Pierre Alechinsky, Jan
Nieuwenhuys ou Théo Wolvecamp,
ainsi que de nombreux autres tels queTajiri,
Henry Heerup, Egille Jacobsen, Carl-Henning Pedersen, Jacques Doucet,
Jean-Michel Atlan, Michel Ragon,
lesquels participeront
également à l'aventure CoBrA.
A l'origine de leur activité artistique, se trouve
donc une
réflexion politique engendrée par une analyse marxiste révolutionnaire de la société,
et contre toute spécialisation de l'art : ils s'intéressent à la
réalisation en commun d'oeuvres de poèmes, d'écritures, de peintures en
s'opposant à tout formalisme stylistique ou esthétique.
Classé aux Etats-Unis dans une continuité de l'expressionisme abstrait défini aussi
par le terme d' "Action painting",
CoBrA
sera perçu en France comme une
prolongation du surréalisme, que l'on baptisera ensuite " l' Abstraction
Lyrique " .
Les ressources de
CoBrA
seront de pousser ainsi à l'extrême l'art collectif avec au départ des rencontres
entre les différentes individualités, comme par exemple les travaux de Asger Jorn et de
Christian Dotremont, ceux de Christian Dotremont avec Guillaume Corneille ou
Jean-Michel Atlan. Peintres,
poètes, sculpteurs se retrouvent donc pour exercer selon leurs propres termes " la peinture à deux pinceaux, l'écriture à deux pensées ".
Au delà des idées, des opinions qu'il partagent, et des oeuvres
collectives, ils organisent ensemble des expositions et créent la Revue COBRA en
mars 1949, dont huit numéros seront publiés. Cette revue rassemble
alors des informations, des documents, des textes en prose, des vers, des
réflexions sur l'écriture, sur l'art populaire, sur le cinéma, en s'appuyant
sur la démarche de la " Révolution Surréaliste " d'André Breton, sans que le
rêve ne supplante la vie, mais pour laisser place à l'expérimentation et à
la spontanéité: "Notre expérimentation cherche à laisser s'exprimer la pensée spontanément, hors de
tout contrôle exercé par la raison. par le moyen de cette spontanéité irrationnelle,
nous atteignons la source vitale de l'être. Notre but est d'échapper au règne de la
raison... pour aboutir au règne de la vie". De nombreuses autres revues seront
publiées dans cette suite à Copenhague, Bruxelles et Amsterdam.
Au delà, de nombreuses expositions seront également organisées,
à commencer par celle de Copenhague en novembre 1948, avec une présentation des
oeuvres d'Ager Jorn, de
Egille Jacobsen, et de
Carl-Henning Pedersen.
En mars 1949, à Bruxelles se tiendra une nouvelle exposition internationale
intitulée " La fin et les moyens", qui permettra à Pierre Alechinsky de rejoindre
le groupe et d'en devenir l'un des membres les plus actifs. Une seconde
exposition en novembre
de la même année à Amsterdam permettra la présence de nombreux artistes internationaux et amplifiera l'audience de
CoBrA au travers le monde.
En novembre 1951, à Liège se tiendra ensuite la dernière exposition de
CoBrA, selon
les souhaits d'Asger Jorn et de Christian Dotremont, laquelle sera organisée par Pierre Alechinsky.
Après la Libération et pendant la Guerre froide, les
artistes s'inscrivant dans le prolongement de
CoBrA exploreront de nouvelles pistes
artistiques, mais aussi politiques et littéraires, que lon qualifiera de
libertaires.
À ce titre, laction de
CoBrA mérite dêtre soulignée dans une perspective
qui conduira ensuite certains membres à l'Internationale Lettriste à partir de 1953, puis au
Situationnisme et à Fluxus en 1957.
(LMDA)
- Avec nos
remerciements pour les précisions apportées à cet article par Nicolas
Delamotte-Legrand Secrétaire de Corneille - Conservateur de la Collection et
des Archives Corneille et Commissaire des expositions Corneille pour Schana
B. (http://www.corneilleguillaume.com/cobra.html
)
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