... et alors, nous ouvrirons les portes de la grotte aux sept sourires du diable : nous
exposons pour les temps a venir, et partager, cette vision d'un ici maitrise, bien
qu'apparemment proche du chaos, vers un ailleurs d'une beaute sublime. Ce que nous
avons laisse sortir de la "grotte", lieu central de notre alchimie interieure,
c'est une partie d'un secret qui se devoile dans la tension du verbe, dans l'ascension du
poeme vers la resolution de l'accord, dans l'etrangete du choix de couleurs (noir,
blanc, violet, puis blanc et or, avec le trouble parfois, dans les "poemes
vus", d'un mot ou d'un objet rouge, vert ou bleu, a l'evidence, essentiels) dans la
precision de la mise en scene...
La premiere impression que l'on ressent je crois, devant les
sept sourires ainsi exposes, nu, c'est une impression de voiles dechires, de
mysteres qui se livrent comme se livre quelquefois un poeme poignant et pourtant
apaise.
Les sept "poemes vus" avec les sept textes, d'une
sacralisation decalee et les neuf toiles distanciees dans cette transparence de
l'envers des miroirs, ne forment ici qu'une seule oeuvre dont chacune des parties est
indissociable de l'ensemble et ne prend son sens primordial qu'a la place choisie pour
que ce poeme existe pleinement.
Chaque objet (perles ou dentelles, habits de fete ou poignards,
miroirs, boites, mineraux, couleurs, etc...) a la fois cache et revele, donne
du sens a chaque sourire, a chaque porte de desir, a chaque partie de ce domaine, de
ce jaillissement. La presence obsedante, par exemple, d'une grille en fer forge nous
indique, peut-etre, comme un leitmotiv lancinant, la possibilite d'un recommencement
infini, d'une quete jamais achevee.
Les titres des sept poemes des sept sourires - de la recherche
(Zetesis) au denuement - mort mystique et renaissance (Thanatos - Palingenesia) - cycle
accompli et renouvele sans fin, sont inspires des titres des sept etapes vers la voie
mystique du poete persan du XIIme siecle 'Attr Fard-ud-dn, dans son poeme
"Le langage des oiseaux". Ces etapes, dont les titres sont ici traduits en
grec, pour ancrer dans le temps les sept sourires, sont le schema des chemins
necessaires a parcourir -et parcourus- philosophiques et symboliques, vers plus de
conscience et d'elucidation : Zetesis (recherche) - Eros (amour) - Gnosis
(connaissance) - Eleutheria (pour histoire - independance) - Ensis (unite) - Thaumasia
(emerveillement) - Thanatos-Palingenesia (pour mort mystique, denuement, accomplissement
et renaissance) -
En filigrane, toutes les questions sont posees : de
l'etonnement a l'horreur, du desir a l'emerveillement, du chaos a l'ordre, de
l'amour au denuement, etc... mais toujours avec distance, parfois inversion des sujets,
humour, tragique ou gravite. La reponse, la, n'est jamais la contemplation passive, ni
meme la fascination dans cette exposition, de notre univers. C'est plutot une
question/reponse positive, reellement vecue comme un autre possible d'amour et de
liberte.
Le diable ici n'est pas une figure grotesque ou malefique, ni
l'entite religieuse du mal en opposition au bien : ce n'est ni le demon, ni
Mephistopheles ou autre Satan... C'est pour nous, un simple mot definissant un
principe qui nous ouvre des portes vers le choix, vers la connaissance en general, la
connaissance de soi, metaphysique ou autre... et la liberte de ce choix. Dans cette
acception, les sept sourires du "diable" sont createurs, depassement des
contraires (figures primaires) reconciliation jubilatoire du haut et du bas, du noir et
du blanc, de l'autre et de soi... vers toujours plus d'intelligibilite dans notre domaine
interieur, plus d'independance.
A l'evidence dans ce poeme, l'amant/l'amante sont
toujours vainqueurs (sans aucun pacte) meme dans la mort, souverains dans cet
eternel
accomplissement toujours recommence. Cette creation, "...les sept sourires du
diable" est, pour nous, comme le messager de l'etendue de notre espace, ou
"meme les pierres en ce lieu participent a la vie".
Frantz
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