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JEROME
BOSCH
( 1453 - 1516 )
Anonyme
Portrait de Jerome Bosch
Bibliotheque Municipale d'Arras
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Jerome Bosch
Portrait de Jerome Bosch
Bibliotheque Municipale d'Arras
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De
son veritable nom Hieronymus Van Haken, Jereme Bosch est ne dans une famille modeste
originaire d'Aix la Chapelle, venue s'installer en Pays Bas deux siecles plus tot.
Son grand-pere Jan Van Haken et son pere Anthonis Van Haken ont exerces deja le
mtier de peintre, quand Hieronymus nait vers 1453 a S'Hertogenbosch aux Pays Bas. On
sait assez peu de chose sur sa vie, mais on sait qu'il se marie vers 1478 avec une
aristocrate qui lui permet d'acceder a un statut social plus enviable et une certaine
securite materielle. Vers 1486, Jerome Bosch est cite comme membre d'une confrerie,
" La Confrerie Notre Dame ", proche d'une secte heretique " Les Freres du
Libre-Esprit ".
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Une
citation de 1509 dans les registres de " La Confrerie de Notre Dame " le fait
apparaitre comme etant Jheronymus Van Haken, le peintre qui signe
"Bosch". C'est peut etre pour se differencier des peintres de sa famille, mais
aussi des villes des ecoles neerlandaises qu'etaient Bruges, Louvain ou Tournai qu'il
prend pour nom de peintre le nom de " Bosch " qui signifie " bois ",
partir du nom de son village de naissance dont la syllabe finale signifie "
Du Bois"
Si l'origine de l'art et de son evolution stylistique est assez complexe, la difficulte
est accrue par le fait qu' aucune oeuvre n'est datee et que de nombreux panneaux qu'il a
peint ont ete detruits. La chronologie de son oeuvre est difficile a etablir et
repose en partie sur des hypotheses.
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On
ne sait que tres peu de choses d'abord sur la periode d'apprentissage de
Jerome Bosch, dont on peut cependant dire qu'elle n'a pas pu echapper
d'abord a l'influence exercee par les oeuvres de son peere. On peut supposer, bien qu'on ne sache rien de sa
formation, ce qu'ont pu tre ses deplacements hors de sa cite natale qui l'auraient mis en contact
avec d'autres artistes de son epoque. Ses tableaux sont trse marques par les
reprsentations du bien, du paradis, du mal, du vice, de la douleur, de la souffrance,
propre aux preoccupations medivales de son temps. Le salut, le jugement dernier,
l'attente de l'avenir, de la mort ou de la fin du monde, prennent chez lui une forme tres
differente des peintres qui sont ses contemporains : tels les freres Van Eyck, Rogier
Van der Weyden ou Memling, mais encore Durer ou Leonard de Vinci.
Ce n'est pas
une resignation pieuse propre au Moyen-Age qui s'exprime chez lui, comme dans de
nombreuses oeuvres de cette epoque, mais l'inverse, une interrogation par la
representation morale de la responsabilit des hommes ici bas, et ainsi en quelque sorte
une ouverture a la modernite.
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En
ne pouvant le rattacher a aucune ecole artistique, il constitue en lui meme peut -etre
une rupture avec le monde medieval, par son appel a un nouveau monde au travers la
symbolique et le langage qu'il utilise. On peut rapprocher certains details de son oeuvre
au rendu de certains visages ou de certains paysages que l'on trouve chez Rogier Van der
Weyden de Bruxelles, ou Le Maitre de Flemalle d'Anvers, ou encore Hugo Vander Goes, et
on peut trouver aussi quelques similitudes avec les peintres de l'Ecole de Delft.
Ce
que l'on peut dire, c'est sans doute que l'art de Jereme Bosch trouve son origine dans un
style gothique qui marque l'ensemble de l'art europeen au debut du XVeme sicle : les
tons clairs, les traits delicats, le traitement des draps.
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Jerome Bosch
" Le Jugement Dernier " ( detail)
Triptyque - Panneau Central
(c) -Akademie der Bildenden Kunste
Vienne
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Mais ce
qui differencie Bosch, ce sont les representations de figures monstrueuses construites
a partir de gravures de bestiaires du Moyen-Age : pattes d'insectes, plumes et becs
d'oiseaux, tetes de reptiles ou de batraciens, membres humains, mais aussi machines
fantastiques, lesquels ponctuent son oeuvre dans des paysages chaotiques.
Les visions de certains
predicateurs de son epoque peuvent aussi etre rapprochees de l'univers pictural de
Jerome Bosch, telles celles d'Alain de La Roche qui meurt en 1475, pour qui les insectes
et les animaux sont les representations des vices et des peches. On ne peut separer
non plus l'oeuvre du peintre par rapport a un contexte religieux et theologique qui voit
l'arrivee de Luther en Allemagne, pour qui le pecheur ne peut se sauver que par la foi
qu'il met lui meme en Dieu, et par la grace que celui-ci lui accorde, et contre qui
s'oppose Erasme en Hollande qui defend le libre arbitre de l'homme, la raison et la foi,
dans un livre paru en 1511 " L'Eloge de la Folie ".
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Jerome Bosch
" La Crucifixion "
1480 ?
70,5 x 53 cm
(c)
Musees Royaux des Beaux Arts
Bruxelles
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Les rares
reperes chronologiques que l'on possede reposent sur quelques commandes qui ont
ete
faites a l'artiste entre 1488 et 1491 : notamment les volets d'un retable que Bosch
realise pour " La Confrerie Notre Dame ", et en 1504, " Le Jugement Dernier
" realise pour Philippe le Beau, Roi des Pays Bas et de Castille.
Une oeuvre telle que " La Crucifixion " est de facture encore classique et se
rapproche des themes et des representations des peintres flamands du debut du XVeme
siecle, dans une composition simple et des perspectives conventionnelles. Il s'agit
probablement d'une oeuvre de jeunesse peinte peut-etre au debut des annees 1480.
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On
attribue egalement a une premiree priode de Jerome Bosch, un plateau de table
representant les " Septs Peches Capitaux " dont la composition en medaillons
avec des scenes disposees en cercle representent les peches et les menaces qu'ils
representent. Cette oeuvre semble figurer ce qui pourrait etre l'oeil du
Christ, dans un ensemble a vocation decorative, et
pour celui qui s'approche de cette table,
dans lequel se reflete toutes les bassesses humaines, et toutes les fautes de celui qui
regarde.
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" L'Extraction de la Pierre de Folie ", montre qu'en dehors des peches, il y a
aussi d'autres menaces : la credulite, la stupidite, l'absurdite, la betise ou encore
la folie, qui conduisent les hommes a s'en remettre a des charlatans ou a des medecins
peut-etre tout autant fous, et representes avec un entonnoir sur la tete, entoures
qu'ils sont des religieux tout aussi douteux quant a leurs connaissances.
" L'Escamoteur " est une oeuvre qui semble denoncer l'incrdulite,
l'indolence, la passivite, l'egarement, et l'apparence immediate, dans un oeuvre qui
vient en contrepoint a " L'Extraction de la Pierre de Folie ".
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Jerome Bosch
" L'Extraction de la Pierre de Folie "
48 x 35 cm
(c) -Musee du Prado
Madrid
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" La Nef des Fous ", oeuvre qui semble avoir
ete peinte en cette meme
priode, represente un moine et une religieuse chantant ensemble au fond d'une
embarcation et au pied d'un mat de cocagne, entoures de personnages gras aux apparences
grivoises qui tentent de happer un geteau suspendu a une corde. Il s'agit la encore
probablement d'une allegorie au contenu moral : l'abondance des mets et des boissons, la
gourmandise, l'insouciance, ont toutes les chances de mener aussi les religieux,
a s'abandonner au peche, voire a la luxure.
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Jerome Bosch
" Ecce Homo "
1490 ?
75 x 61 cm
(c)
Stadelches Kunstinstitut
Francfort
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" L'Ecce Homo " qui semble
etre une oeuvre plus tardive,
realisee dans les annees 1490, represente le Christ juge, et present la haine
d'une foule qui croit ce qu'on lui raconte des fautes commises par le comdamne, dans
l'indifference generale du reste de la cite. Le Christ est soumis a la vindicte
publique de notables qui apparaissent etre les complices de ceux qui jugent.
" Le Portement de Croix ", qui devait faire partie d'un tryptique de par son
format etroit, semble completer " L'Ecce Homo ". Apres le jugement, la foule
conduit le Christ avec empressement au calvaire. C'est la cruaute des hommes qui est
representee : le Christ porte sa croix avec des planches cloutees qui lui percent les
pieds, et les coups de fouet qu'il recoit d'hommes qui le conduisent bruyamment
a la
mort.
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En 1484,
un ouvrage intitule " La Vision de Tungdal ", d'un auteur anonyme
irlandais circule en Hollande. C'est un long poeme qui raconte l'histoire de Tungdal un
chevalier Irlandais du XIIIeme sicle qui apres une existence d'oisivete et de
debauche, voit en songe l'enfer durant trois jours et trois nuits. A son reveil il se
repent en se retrouvant dans son corps humain. Il y a vu un monde peuple de monstres,
d'insectes et de serpents, dans les tenebres de l'enfer que l'on rejoint en traversant
le paradis rempli de plaisirs, d'or, et de pierres precieuses. A n'en pas douter, Bosch a
pu lire et trouver inspiration dans ce poeme medieval, tant cela pouvait rejoindre ses
propres visions du monde a cette epoque.
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Le
triptyque du " Chariot de Foin " probablement peint aussi vers la fin des annees
1490-1500, est l'une des oeuvres majeures de Bosch. D'un cote, la representation d'un passe
et du paradis terrestre, d'Adam et Eve et du peche. Au centre, la representation
du tumulte de la foule, et des hommes qui chacun cherchent individuellement
a tirer
profit du moment present qui passe. A droite, l'enfer, ce monde qui attend l'homme
et dans lequel les hommes et les betes s'entre-tuent, s'entre-devorent, souffrent et
meurent au milieu des calamites que sont le feu en haut et le deluge en bas d'ou
personne ne rechappe.
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Jerome Bosch
" Le Chariot de Foin "
Triptyque -
vers 1490 ?
(c)
Musee du Prado
Madrid
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Jerome Bosch
" Les Tentations de Saint Antoine " ( detail)
Tryptiqe Panneau Central
(c) Museu Nacional de Arte Antiga
Lisbonne
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Jerome Bosch peint vers l'annee 1500, le triptyque " Les Tentations de
Saint Antoine ", selon une trilogie allegorique proche du " Chariot de
Foin ". Sur le panneau de gauche, Saint Antoine est porte dans les airs par une
grenouille, il est au dessus d'un monde ou regnent les demons et les monstruosites.
Sur le panneau central, le Saint est en proie aux tentations terrestres, car lui aussi est
de ce monde ou regne le chaos et toutes les horreurs. Ce n'est pas le monde qui est
mauvais mais les individus qui generent le desordre, la ruine, la misere, par leur
folie, leur cupidite, et leurs instincts animaux. Sur le panneau de droite, Saint Antoine
enveloppe de sa cape, est a l'automne de sa vie. Il est epuise d'avoir vu et vecu au
milieu d'un monde ou il constate que les hommes sont aux prises de la folie.
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Jerome
Bosch arrive a l'apogee de son art avec le triptyque du " Jugement dernier " en
1504. Sur le panneau gauche, une representation du paradis, et sur celui de droite,
celle de l'enfer. Au dessus du panneau central, domine le Christ entoure d'anges et de
saints : il juge ce qu'ont ete les actions des hommes representes au dessous.
Toutes les perversites, et toutes les horrreurs sont figurees au travers l'inventivite
du peintre pour traduire par la multiplicite et par les details les atrocites qui
melent les scenes humaines et animales.
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Dans
" Le Jardin des delices ", autre triptyque, la demarche de Bosch est en
contrepartie de montrer le paradis terrestre au travers tous les symboles qui peuvent le
representer a son epoque : les hommes vivent nus en harmonie avec les animaux dans des
paysages etranges, mais ou semblent
regner la
serenite. Sur le panneau gauche, Adam et Eve sont au cote du Christ, avec au loin au
dela de la riviere le palmier au fruit defendu entoure d'un serpent et en arriere
plan de multiples animaux aux allures paisibles, mais peut etre prets a se transformer
en monstres. Au centre, une representation ou les hommes vivent d'amour, de plaisirs,
d'harmonie ou regne l'abondance, ou la vie est un jeu, est un lieu de jouvence et de
serenite, dans lequel les hommes et les betes habitent des maisons spheriques, des
bulles, ou des palais vegetaux aux couleurs roses. Sur le panneau droit, la
representation de scenes fantastiques, et de quelques scenes de folie avec au lointain
des ombres de cites en proie aux flammes, et des scenes de guerre traduisent le
caractere ephemere et fragile du monde.
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C'est
a partir de 1508 que Jerome Bosch semblent s'apaiser avec des compositions qui prennent des
couleurs plus claires et plus douces. C'est une epoque ou il peint dans des couleurs
chaudes un triptyque tres depouille tel que " L'Epiphanie ", mais aussi une
" Tentation de Saint Antoine " solitaire confronte silencieusement
a lui meme
et aux demons .
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Jerome Bosch
" Tentation de Saint Antoine "
70 x 51 cm
(c) -Musee du Prado
Madrid
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Jerome Bosch
" Le Portement de Croix avec Sainte Veronique "
(c)Musee des Beaux Arts
Gand
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Le
" Portement de Croix avec Sainte Veronique " que Jerome Bosch semble avoir
peint vers la fin de sa vie, constitue sans doute son chef d'oeuvre. Le Christ dont on ne
voit que le visage est represente au milieu d'un ensemble dense de visages grossiers et
grimacants, alors que Sainte Veronique semble prier interieusement au milieu de cette
foule agressive et furieuse. Il prospecte dans cette oeuvre forte une composition
reserree qui rend les portraits plus proches, et plus vivants, mais encore plus hideux.
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Jerome
Bosch meurt en 1516 a S'Hertogenbosch. Il aura ete le peintre du realisme de son
epoque, en sembant avoir exprime de maniere detaillee les travers de son temps et
voulu mettre a la porte de tous, une symbolique morale, dans laquelle chacun a la
possibilite de se reconnaitre et trouver le chemin de son salut. Il exprime
indiscutablement le renouveau spirituel dont l'epoque a besoin et qui apparait peu apres
dans les oppositions entre Luther et Erasme, et la represention et le souhait d'un monde
nouveau dans " L'Utopie " de Thomas Morus.
L'oeuvre et le monde de Jerome Bosch exprimant la hantise de l'enfer, et les travers
humains dans une oeuvre habitee de symboles, de mysteres et de monstres, fera des
emules a sa suite, dont Bruegel sera le plus important. Son oeuvre fortement decriee
au XVIIIeme siecle, sera a nouveau redecouverte au XXeme siecle avec les
surrealistes, qui verront dans certaines de ses oeuvres la meilleure expression picturale
des angoisses et de l'inconscient.
Le Monde des Arts
Voir les oeuvres de Jerome Bosch
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