Gustav Adolf Mossa (1883-1971) est considéré
aujourd'hui comme le dernier grand peintre symboliste français. Il vécut toute sa vie à
Nice et se consacra essentiellement à sa fonction de conservateur du Musée des
Beaux-Arts de Nice, où une partie de son euvre sulfureuse fut cachée, avant
d'être redécouverte dans les réserves après sa mort en 1971.
Gustav-Adolf Mossa est né le 28 janvier 1883 d'une mère italienne, Marguerite Alfieri et
du peintre Alexis Mossa. Il sintéresse très tôt à la peinture en suivant les
enseignements de son père paysagiste et imagier du Carnaval de Nice. Il étudie ensuite
à l'École des Arts Décoratifs de Nice et se familiarise avec l'Art Nouveau et les
techniques de laquarelle et de la peinture de paysages.
Au début des années 1900, il se met à écrire des pièces de théâtre et des poèmes.
En 1901, il peint sa première grande toile symboliste qu'il intitule " Salomé ou
Prologue du Christianisme ". Après un voyage en Italie, il rejoint l'organisation du
Carnaval de Nice, puis de 1904 à 1911, il décide de se consacrer totalement à ses
tableaux d'inspiration symboliste.
En 1911, il découvre l'art primitif flamand. Mobilisé en 1914, lors de la Première
Guerre mondiale, il est gravement blessé ce qui lui inspire tire une toile quil
achève en 1916 intitulée "Les Tristes
heures de la Guerre".
À la mort de son père en 1926, il prend sa succession comme conservateur du
Musée des Beaux-Arts de Nice.
Après le décès de sa seconde épouse, il se marie à nouveau en 1956 avec
Marie-Marcelle Butteli
Lorsqu'il meurt le 25 mai 1971, on découvre son euvre symboliste qu'il aura
laissé occultée à ses proches et à son public, lesquels ne connaissaient
essentiellement de lui que son travail d'imagier du Carnaval de Nice.
L'oeuvre de Gustav-Adolf Mossa surgit à la
veille de la naissance du Fauvisme, peu de temps après la mort de Gustave Moreau. Les
références littéraires hantent toute son oeuvre, et il visitera tout au long de
parcours les grands textes fondateurs de la littérature occidentale, depuis les récits
judéo-chrétiens et la mythologie gréco-romaine, jusqu'aux textes modernes, depuis
Shakespeare jusqu'à Baudelaire, Huysmans ou Théophile Gautier, en réactualisant les
figures mythiques de ces oeuvres littéraires dans le contexte contemporain des années
1900.
Ainsi dans la mythologie grecque, Eros est le dieu de lAmour, tandis que Thanatos
est la personnification de la Mort. Mossa explore lérotisme, dans un contexte au
début de la Première Guerre où Thanatos prend le pas sur Eros.
Avec lexpérience traumatisante du conflit mondial, son oeuvre évolue du symbolisme
vers lallégorie, au travers l'omniprésence de la femme présentée sous
lapparence de la femme fatale et castratrice à la fois ange et démon.
Une grande partie de l' oeuvre de Mossa se cristallise autour du conflit perpétuel des
pulsions de vie et de mort. Il s'intéresse à l' inconscient bien avant que Sigmund
Freud, le fondateur de la psychanalyse, ne développe ce thème. Il sintéresse
également à la guerre permanente selon lui qui gère les relations humaines, et plus
particulièrement celles qui existent, comme latentes entre lhomme et la femme.
Ainsi à lidentique de Félicien Rops, le peintre symboliste
belge, nombreuses sont les uvres de Gustav Adolf Mossa qui apparaissent encore
provocantes de nos jours.
Une partie de ses travaux se focalise sur la mythologie grecque et permet
à Mossa de la replacer dans le contexte de son temps, avec des créatures hybrides telles
que les muses, les sphinges, les harpies et les sirènes en se référant à Sophocle,
Hésiode, Ovide.
Une autre est marquée par une inspiration judéo chrétienne avec par exemple son
tableau " Christus " de 1907, représentant un androgyne avec un
maquillage très prononcé.
Il dénonce aussi la dimension décadente des représentations de la société bourgeoise,
tout en s'inspirant de certains thèmes wagnériens, par exemple avec " Vénusberg
" de 1907, que l'on peut directement associer au thème de " Tannhaüser ",
tandis que des oeuvres telles que " Elle, Lui et Eros " et " Amour vénal
et cruauté " mettent en relief le thème du faire-valoir de la femme, et celui
de la prostitution.
La dimension subversive de l'oeuvre de Mossa, apparaît dans un tableau tel que "
Profanation décadente et parodie " dans lequel il montre son attrait pour la
profanation du sacré et la déploie jusqu'à la provocation. Ainsi dans une série
d'aquarelles parodiques intitulée " La Vie de Jésus Christ ", il désacralise
la présentation du Christ à la manière des décadents ou alors avec
"Sacrilège", qui représente un banquier, accompagné dune jeune
diaconesse, qui donne lhostie au dragon du reliquaire de Sainte Marguerite au cours
d'une messe noire.
Avec "Pierrot et les masques", il fait référence à Barbey D'Aurevilly et à
ses " Diaboliques " parues en 1874, et met en scène le sang humain,
s'écoulant de quelques blessures, comme dans "Pierrot s'en va " ou " Elle
", signifiant à la fois, la vie et la mort. Il étudie également dans cette
démarche le rôle et lusage des masques et du maquillage, pour symboliser le
double, la duplicité, les fausses postures.
Le travail de Gustav Adolf Mossa, au delà du style et de la technique, se veut une oeuvre
symbolique et sulfureuse. Restée cachée au public durant de longues années par la
volonté même de l'artiste, il faut ajouter que cette oeuvre prend sa place dans l'esprit
de " l'Art Nouveau " de son époque, au travers les mobiliers, les vêtements,
les bijoux que les peintures de Mossa représentent, avec une minutie grandissante des
détails au fil de ses tableaux.
(LMDA)
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