L’oeuvre d’Arman ( 1928 -
2005 ) ne peut pas se rsumer une simple chronologie de priodes qui
dans son parcours se succderaient l’une aprs l’autre. Il lui arrivait
constamment de revenir sur ses travaux, de refaire, de revisiter ce
qu’il appelait ses procdures , telles que les "Accumulations",
les "Poubelles", les "Coupes", les "Colres", les "Combustions"…en
inventant ainsi une communication permanente entre le prsent et le
pass, dans un dialogue vivant, s’exprimant au gr de ses dcouvertes ou
au fil de ses inventions.
Arman n’tait pas un rcuprateur
d’objets, bien qu’il les apprciaient pour ce qu’ils reprsentaient dans
leur contexte contemporain. Il ne procdait pas par l’ accumulation de
ceux-ci de manire dsordonne ou alatoire, mais plutt selon le mode
du collectionneur, ou de l’artisan qui classe ses richesses par
catgories, par formes, par dimensions, par matires, par couleurs, dans
des cases structures et organises.
Armand Pierre Fernandez est n Nice le 17 novembre 1928. Son pre,
d’origine espagnole possde un magasin de meubles Rue du Marchal
Joffre, Nice. C’est dans cet univers qu’Armand passe son enfance parmi
des meubles et multiples objets de brocante, et qu’il lui vient le got
de collectionner. Son pre, qui est aussi peintre amateur, lui enseigne
les rudiments de la techniques de la peinture l’huile et lui fait
dcouvrir dans les foires les coupes de moteurs montrant le
fonctionnement des mcanismes, ce qui le fascine littralement. Armand
se rvle rapidement dou pour la peinture et les arts plastiques. Il
entre l’cole Nationale des Arts Dcoratifs de Nice o il fait un
brillant passage, mais o il s’ennuie rapidement.
Armand fait
alors la connaissance d’Yves Klein et de Claude Pascal lesquels sont
fascins par Vincent Van Gogh. Par admiration pour lui, pour sa
technique, ses couleurs pures, Klein et Armand dcident de n’utiliser
que leurs prnoms pour signer leurs premires oeuvres. En 1948,
Armand dcouvre les oeuvres des Dadastes et des Surralistes qui
marqueront ensuite toujours son travail de peintre. En 1949, il
s’inscrit l’cole du Louvre et s’installe Paris.
Avec Yves
Klein et Claude Pascal, il frquente le milieu artistique parisien et
rencontre Anna Staritsky qui concentre son travail vers une peinture
non-figurative. Le travail de Jackson Pollock qu’il dcouvre au Studio
Facchetti l’impressionne tout autant que le non-figutratif et
l’influence dans les oeuvres qu’il ralise alors.
Il pouse
liane Radigue le 17 fvrier 1953. Sa peinture devient de plus en plus
abstraite et montre l’influence de Poliakoff et de Nicolas de Stal.
Peu
aprs en 1954, il dcouvre le travail de Kurt Schwitters qui met en
scne des objets de rebut, des fragments de papier et de cartons. A Nice,
o il travaille dans le magasin de son pre, il rcupre les tampons
encreurs pour les utiliser dans ses compositions en s’intressant
surtout au ct formel du cachet. Il expose ses Cachets Paris en
1956.
l’occasion de sa premire exposition personnelle en
Juin 1957 la Galerie La Roue, une faute typographique de l’imprimeur
sur une affiche transforme son nom en Arman. C’est ainsi qu’il dcide
de supprimer le d de son prnom qui devient son nom d’artiste. Il
rencontre peu aprs le Groupe de Recherches Musicales dirig par
Pierre Schaeffer, un ingnieur du son, qui travaille sur des appareils
qui permettent de modifier les sons, de les prolonger ou de les ralentir
et qu’il appelle les Allures du son . Arman lui emprunte ce
concept et se met travailler sur ses Allures d’objets , qui le
conduiront ensuite aux premires Colres et aux Accumulations .
En 1959, il cre ses premires Poubelles qui rassemblent les
dchets de verres, d’objets lectriques ou des accumulations d’ordures
mnagres dans des botes de plexiglas. En avril 1959, la Galleria
Apollinaire de Milan expose les dernires oeuvres d’Yves Klein, de
Jacques Villegl, de Jean Tinguely, et les Allures et Colres
d’Arman. C’est cette occasion que la notion de Nouveau Ralisme
est employe pour qualifier ce type de recherches artistiques mettant en
relief les affres de la socit industrielle, productrice d’objets de
consommation et de dchets en grandes quantits. En juin 1959,
son exposition de Dsseldorf intitule Poubelles et Accumulations lui
permettra de se faire connatre plus largement, grce un texte
intitul Ralisme des accumulations o il explique que l’objet
possde une valeur en soi, et que l’accumulation permet de lui redonner
un contexte en lui-mme.
L’anne 1960, est riche en vnements
pour Arman qui par l’exposition Le Plein, rpond l’exposition Vide
de son ami Yves Klein, avec une invitation au vernissage compose d’une
bote de sardines remplie de dchets avec un texte de Pierre Restany,
qui estime que cette prsentation donne au Nouveau Ralisme sa
vritable dimension. Arman cre ensuite une srie de
portraits-robots, dont le portrait d’Yves Klein runissant certains de
ses objets personnels dans une bote. Le 27 octobre 1960, est cr le
groupe des Nouveaux Ralistes avec Raymond Hains, Yves Klein,
Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely et Jacques Villegl et un
manifeste dont le texte rdig par Pierre Restany est intitul 40
au-dessus de Dada. En septembre 1961, Arman ralise en direct pour
la tlvision amricaine une Colre de contrebasse qu’il nomme NBC
Rage.
C’est alors qu’il commence utiliser de nouvelles
techniques moins contraignantes, telle que la rsine de polyester, pour
faire des inclusions d’objets. C’est la priode o l’occasion d’une
exposition au Muse d’Art Moderne de New York, intitule The Art of
Assemblage qu' il dcoupe les objets en tranche. Cette technique ,
Les Coupes lui permet de transformer l’objet volont avec des liens
de rappels avec le cubisme, le constructivisme ou le futurisme. De son
ct Yves Klein ralise le portrait-relief d’Arman en janvier et meurt
brutalement le 6 juin 1962. Les Nouveaux Ralistes aprs la
disparition de Klein dcident de se sparer.
Arman qui commence
tre connu dcide de s’installer New York. Il poursuit aux Etats-Unis
ses Coupes et ses Accumulations , et accentue ses
dstructurations des objets. Il dveloppe l’utilisation du polyester, en
multipliant les inclusions. En 1964, il expose pour la premire fois
dans un muse: le Walker Art Center de Minneapolis, puis le Stedelijk
Museum d’Amsterdam. C’est Alain Jouffroy qui organise en France
l’exposition Les Objecteurs de la Vision en janvier 1966 o la
peinture est abandonne pour laisser place l’objet avec des oeuvres
d’Arman et de Spoerri prsents commeles initiateurs de cette nouvelle
tendance de l’art moderne.
En 1966, Arman travaille sur des
Accumulations de tubes de peinture en suspension dans le plexiglas;
avec des coules de couleurs chappes de leurs tubes, et rflchit
travailler avec l’objet le plus reprsentatif de la socit moderne et
industrielle: l’automobile. Il noue un accord avec la firme Renault qui
lui permettra sur ce thme la cration d’une centaine d’oeuvres.
Les annes 1968 et 1969 sont riches en vnements pour Arman avec en
particulier une exposition au MoMa de New york sur le thme Dada,
Surralisme et leur hritage. En juin de la mme anne, il reprsente
la France la Biennale et se voit en mars 1969, prsent avec ses
Accumulations Renault au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Il cre
quelque temps aprs sa Colline des pianos compose de pianos inclus
dans des rsines polyester.
partir de 1970, il revient aux
Coupes en procdant au dcoupage en tranches de statues qu’il
rassemble.En novembre 1970, avec Pierre Restany il organise une
nouvelle grande exposition rtrospective Milan, pour le 10 me
anniversaire des Nouveaux Ralistes, avec des portraits d’artistes
qui consistent demander ses amis artistes de rassembler leurs
dchets dans des conteneurs. C’est ainsi que Christo, Roy Lichtenstein,
Sol LeWitt, Robert Rauschenberg, Claes Oldenburg, Andy Warhol, se
trouvent portraitiss par Arman, en regard de leurs poubelles.
Arman se spare d’avec sa femme liane Radigue en janvier 1971, et
pouse quelque temps plus tard Corice Canton Nice. Il travaille alors
nouveau sur une srie de Poubelles organiques de dtritus jets
d’un bloc dans la rsine. Il veut tmoigner par ces actions de
l’explosion de la sur-consommation moderne et de l’envahissement du
monde par les dchets .
Devenu citoyen amricain en 1972, il
dcide de faire le portrait de New York au travers les dchets et les
dtritus de la ville, tandis qu’ Paris il expose les Poubelles
organiques . En 1975, le Muse d’Art Moderne de Paris regroupe une
nouvelle exposition des Coupes et des Colres prises dans le
btons qu’il baptise Objets arms. Le 5 avril 1975, Arman ralise
une action de happening Conscious Vandalism la John Gibson Gallery
de New York consistant dtruire un appartement qu’il avait install
avec soin. En 1982, il ralise au Chteau du Montcel,
Jouy-en-Josas; Long Term Parking , une composition de deux mille
tonnes de bton, entassant une soixantaine de voitures sur 18 mtres de
hauteur.
Le Muse Picasso d’Antibes lui permet lors d’une
rtrospective qui lui est consacre de prsenter une Accumulation de
trente guitares en bronze baptise ma jolie , en rfrence aux
tableaux cubistes de Picasso de 1912. Le 14 juillet 1984, Paris,
est inaugure, une nouvelle pice de cinq tonnes et de trois mtres dix
de haut reprsentant une accumulation de deux cents drapeaux, dans
le hall d’honneur du Palais de l’lyse. Il prsente quelque
semaines plus tard The Day After, une Combustion d’un salon
complet de style Louis XV, en bronze, pour illustrer l’angoisse d’une
destruction totale et d’une vision pessimiste sur un ventuel
anantissement de notre socit.
En 1985, il travaille une nouvelle
srie d’ Accumulations avec des tubes de peinture sur toile , puis
une Accumulation de deux mille trois cents tambours de machines
laver dans sa maison de Vence. En juin 1988, il ralise une nouvelle
intervention sur la scne du Palais du Peuple, place Tien Anmen,
Pkin: le en excute une Colre d’instruments, au profit du
sauvetage de la Grande Muraille de Chine.
En 1989, de retour
New York, Arman manifeste le souhait d’en revenir la peinture et
la couleur sa faon . Il entame la srie des Shooting Paintings et
des Dirty Paintings . "Je suis de nouveau un peintre"
dit-il. Il s’agit de mler de la peinture des tubes de couleur
crass, au milieu d’autres objets et de couches de couleurs : ptes,
brosses et pinceaux.
En aot 1994, il inaugure Beyrouth, au
Liban, Hope for Peace , une Accumulation monumentale en bton de
trente-deux mtres de haut, incluant quatre-vingt-trois chars de combat.
Le 26 janvier 1998 Paris lui ouvre une grande rtrospective la Galerie
Nationale du Jeu de Paume avec la prsentation d’ une centaine d’oeuvres
ralises de de 1959 1997.
Arman travaille alors des nouvelles
sries, dont la Nec Mergitur consistant en une srie d’objets en
suspension dans un amalgame de boue et de ptrole, pour traduire sa
rvolte contre les mares noires. Son but est de projeter le spectateur
dans une interrogation sur l’aprs de la sur-consommation et des
pollutions qui envahissent la plante
En 2000, une nouvelle
rtrospective intitule Arman, la traverse des objets, est organise
par Tita Reut prsente la Fondation mile-Hugues de Vence. Il renoue
avec la peinture avec une srie intitule Serious Paintings , qui
allient la mise en relief de la musique en peinture. A New York, le
22 octobre 2005, il meurt des suites d’un cancer.
(LMDA) |