Andre Marchand
(1907-1997), a laisse une oeuvre considerable qu' il est
interessant de redecouvrir pour lui rendre toute sa place meritee dans
l' histoire de l'art du XXeme siecle.
Son oeuvre reflete la vision d' un
peintre qui n'existe qu'en communion etroite avec la nature, dont il est
fascine et fusionnel. " Ce dialogue avec les elements permet au peintre
de projeter sur la toile ce qui reste invisible et de reveler des choses
cachees a notre entendement, " ecrit Jacques Lassaigne.
Durant toute
sa vie solitaire, il s' inspire de " ses trois territoires " de predilection
: la Provence
et ses paysages singuliers,
la Bourgogne rurale profondement terrienne et Belle-Ile en
Mer propre a la meditation. En resulte d'abondantes series de compositions
saisissantes, dont la couleur et la lumiere sont des obsessions pour
l'artiste.
Les themes de
sa priode monochrome declinent de vastes horizons tristes, des oliviers
chetifs, des plages desertes aux clairages lunaires, des paysans
enigmatiques ou des pecheurs emacies, statiques et muets sous le poids de
leur destin.
Sa consecration indiscutee revelee par le prix
Paul-Guillaume qu'il obtient en 1937 pour son tableau "La
Jeune fille et le "Paralytique ", lui permet de se
consacrer sans reserve a son oeuvre et d' etre soutenu par des amateurs et
marchands.
L' evolution de son travail, a la fois cerebral et
sensoriel, est souligne par l'apparition de la couleur intense, de la
construction et du mouvement dans son oeuvre expressive et excessive, et par
la volonte d'abstraction qui tente de vaincre le reel, sans jamais
l'abandonner.
Sa Provence natale reste au coeur de son inspiration et
s'il tourne souvent le dos a Aix, tout en etant attentif a la lecon de
Cezanne, il aime Arles et se prend de passion pour le Delta du Rhone et les
Alpilles.
En Arles, il
est seduit par la rigueur romaine de son architecture mais aussi par les
femmes qu'il peint de nombreuses fois reveuses, parfois tristes et de noir
vetues, assises, la plupart du temps, dans l'espace vide d'une chambre, "
que je construis dans sa nudite de murs, ainsi que le paysage inscrit dans
la fenetre ".
Les " Baigneuses ", comme " Les Arlesiennes ", mettent
en exergue la rigueur des compositions, la veracite des traits des visages
et ses femmes nues, aux contours charnels, posent detendues et alanguies.
Sa periode consacree
a
la Camargue, dans ce " Delta du Rhne " qui l'attire, tant
par son silence que par sa faune, devoile le rythme des flamants roses en vol,
des hirondelles sillonnant le ciel dArles, des mouettes des Saintes Maries,
et le flegme errant des taureaux noirs.
" Une notion nouvelle m'apparait, traduire le
lyrisme de l'univers, la joie de cet univers, l'interieur meme de son
silence effrayant, de sa lumiere renouvelee sans cesse ".
De
la Bourgogne, l'artiste decouvre les bois profonds, les
animaux des forets et la communion intense avec la terre.
Plus tard, les sejours reguliers
a Belle-Ile en Mer sont a l'origine des series "Respirations marines" , qui
conduisent a la frontiere dune abstraction dictee par la fusion de l'air et
de l'eau.
L'influence de son sejour au Mexique renouvelle ses
themes impregnes de l'esprit dune forte culture, et de ses voyages en
Italie, il rapporte des temoignages empreints des traces romanes.
Le parcours du
peintre est aussi ponctue de " vies silencieuses " (ou nature mortes),
depouillees, austeres et structurees en aplats, aux couleurs heurtees et
laquees.
Tout au long de sa carriere, Andre Marchand attire
l'attention sur lui et son oeuvre, suscitant engouements, oppositions
intenses et critiques faciles aupres de marchands, collectionneurs,
critiques dart, ecrivains et poetes. Son oeuvre est repandue dans le monde
entier et des retrospectives ont eu lieu, entre autres, a Tokyo, New Delhi,
New York, Sao Paulo, Mexico, Londres, Venise, Bale, Lyon ou Marseille
Solitaire, sensible et d'une
grande affectivite, son entourage regrettait qu'il se soit isole du monde
les cinquante dernieres annees de sa vie, a contrario de certains, qui
occupaient sans retenue tout le terrain mediatique.
En 1970, le Carnet des Arts, ecrivait a son
sujet : " Il y a quelque vingt-cinq ans, son influence
etait telle sur
les jeunes peintres quil ne tenait que de lui de devenir chef de file. Il
etait considere comme le plus grand peintre vivant. Il s'est alors retire
dans une solitude hautaine. "
Regards de
Provence
(LMDA)
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